Valoriser son capital client : la leçon de l’épicier de quartier 

Valoriser son capital client : la leçon de l’épicier de quartier 

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Le bon client n’est pas toujours celui qu’on croit. Il ne suffit pas qu’il dépense beaucoup, encore faut-il qu’il dépense « bien ». Aujourd’hui les nouveaux modèles prédictifs permettent aux marques de suivre les consommateurs à la trace pour évaluer le capital client et élaborer leur stratégie marketing sur des bases réelles. Grâce à ces données, le client est ROI : entendez « retour sur investissement »…

Il sait tout ou presque de vous. Votre marque de céréales préférée, le prénom de votre petit dernier, et même vos déboires avec votre banquier. Lui, c’est votre épicier. Comme la plupart des commerçants de quartier, il sait reconnaître les bons clients et les choyer par plein de petites attentions : un accueil souriant, des bonbons pour les enfants, la dégustation d’un bon produit… Un échange qui va bien au-delà du simple acte d’achat.

En revanche, comme la plupart des gens, vous avez sûrement vécu la frustration d’être traité comme un inconnu (voire comme un malpropre) dans un grand magasin que pourtant vous fréquentez régulièrement depuis des années, et dans lequel vous avez beaucoup dépensé… Quand cela arrive, on peut être tenté de changer de crèmerie, quitte à marcher quelques minutes de plus ou à dépenser davantage… pour un même produit. Chaque jour, des grandes marques perdent ainsi de bons clients, faute d’avoir su les reconnaître.

Le bon client, cet obscur objet du désir…

Pendant longtemps, on a pensé que la valeur d’une entreprise résidait seulement dans ses actifs (immobilisations, stocks, trésorerie…) et sa capacité de production. A aucun moment, le comptable n’intégrait la ressource pourtant essentielle à l’entreprise : la valeur client. Le produit était créé, on l’écoulait sans pour autant se préoccuper de la clientèle visé. Les marchés étant loin d’être saturés, on savait qu’il serait facilement vendu.

Avec les débuts de la globalisation, l’économie est devenue très concurrentielle. Pour se démarquer de l’abondance de l’offre de produits et de services, les entreprises ont commencé à mieux identifier leurs marchés cibles. En 1973, dans son ouvrage Management, l’auteur et théoricien américain Peter Drucker l’affirmait déjà : « il n’y a qu’une seule définition valide de l’objectif de tout business : créer des clients ». La base clients d’une société serait-elle devenue plus importante que ses actifs ? Pour les entreprises technologiques comme Uber, dont la stratégie est uniquement centrée sur l’utilisateur, la question ne se pose même pas.

Née d’une innovation disruptive – la mise en relation des personnes avec des chauffeurs privés – Uber est aujourd’hui valorisé à plus de 40 milliards de dollars. Chaque semaine, ce sont plus de 20 000 nouveaux utilisateurs dans le monde qui rejoignent ses plateformes. Pour le moment Uber n’a pas mis en place de programme de fidélité. Sa stratégie est donc davantage basée sur l’acquisition de nouveaux clients que sur leur rétention. Mais jusqu’à quand ?

En revanche, pour d’autres secteurs plus « classiques » (assurance, hôtellerie, retailing, fournisseurs d’internet…), où la concurrence est particulièrement rude, l’optimisation de la performance marketing est déterminante. Sur ces marchés saturés, les coûts de prospection sont souvent plus importants que les coûts de rétention. La question que se posent généralement ces entreprises est : où placer le curseur ? Quelle somme doivent-elles allouer à l’acquisition de nouveaux clients ? A contrario, combien doivent-elles dépenser pour fidéliser leurs clients actuels ? Et, question encore plus cruciale, ont-elles recruté les « bons clients » ?

Le Customer Equity (capital client), ou l’intelligence de l’épicier de quartier

Revenons à votre épicier de quartier. Vous êtes un client fidèle et en bon commerçant, il sait vous chouchouter. Comment ? Il met de côté le produit que vous n’aurez pas le temps de venir chercher, vous accorde une petite remise de temps en temps. Il joue même les relais-colis quand votre emploi du temps est surchargé. Autant de petits gestes qui ne lui coûtent rien ou presque mais qui lui permettent de préserver son « capital client ».

L’évolution des techniques de « customer intelligence » permet aujourd’hui aux grandes entreprises d’accéder collectivement à l’intelligence du petit épicier de quartier. D’apprendre à identifier et reconnaître les clients qu’il ne faut surtout pas perdre ; et de mettre en œuvre des actions marketing personnalisées pour les recruter et, ensuite, les fidéliser. La clef de voûte de cet édifice est le Capital client ou Customer Equity. En adoptant cette stratégie, l’entreprise considère sa base de clients comme une composante fondamentale de ses « actifs ». Mais comment peut-elle estimer au plus près la valeur de ces actifs alors qu’elle ne connaît pas à priori les revenus générés par chaque client ? Pour cela elle peut recourir à des modèles prédictifs lui permettant d’évaluer très précisément la valeur de chaque client ou customer lifetime value (CLV).

C’est en effet grâce aux informations données par ces indicateurs, que l’entreprise pourra optimiser sa performance marketing et commerciale. Cela lui permettra d’identifier les « bons profils », à savoir les clients générant le plus de bénéfices dans le temps. Elle les orientera alors vers d’autres produits complémentaires ou des produits premium. Elle pourra également évaluer le bon niveau de promotion de ses produits ou services (le coût d’acquisition ne devant pas dépasser la valeur client). Ou encore qualifier les sources d’acquisition en identifiant les canaux, média et campagnes qui génèrent les clients les plus profitables. L’estimation de la CLV lui permettra également de mieux allouer ses budgets marketing en choisissant le bon mix entre actions d’acquisition et stratégies de fidélisation.

C’est exactement l’approche privilégiée par des opérateurs tels que Netflix ou Canalplay, et qui leur permet de proposer un mois gratuit à tous nouveaux clients.

Le marketing et la finance, enfin réconciliés ?

Cette approche qui consiste à partir de la valeur financière de la base client (customer equity) pour élaborer la stratégie marketing est en soi une petite révolution. On ne se concentre désormais plus seulement sur l’accroissement du volume des ventes mais sur l’évolution de la profitabilité de sa base clients dans le temps. Les plans et actions marketing s’alignent avec la stratégie et les objectifs financiers de l’entreprise. Les arbitrages sont réalisés à partir de données factuelles, de bases rationnelles.

La construction de ce système d’indicateurs centré sur la valeur client et partagé par l’ensemble des directions – marketing, commerciale et financière – favorise les échanges collaboratifs internes. Chacun peut enrichir les tableaux de bords par des informations concrètes afin de donner du contexte aux données.

L’association du ROMI (Return On Marketing Investment) et de la CLV permet ainsi de réconcilier les départements marketing et finance en créant un langage commun orienté vers un seul objectif : l’optimisation de la performance de l’entreprise.

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